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Réseau International de Formation en Histoire de l’Art

IXe École de Printemps, Francfort-sur-le-Main, 16-20 mai 2011

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Présentation du sujet

En abordant la question de l’artiste dans l’histoire de l’art, la discipline histoire de l’art entend interroger  son désir origninel d’embrasser l’intention du sujet derrière les œuvres. Depuis la naissance de cette discipline, le personnage de l’artiste jouit d’un intérêt majeur qui s’explique par la relation qu’entretiennent le sujet créateur – en tant qu’origine et agent de la création – et l’interprétation artistique. En outre, la subjectivité artistique et sa conceptualisation ont joué un rôle exemplaire dans le processus historique moderne de valorisation, du sujet souverain et autonome.  En tant que « sujets prototypes », les artistes sont devenus des modèles de la modernité, comme l’ont démontré Heinz Knobeloch et la sociologue Nathalie Heinich.

Cette intrication spécifique rend d’autant plus fructueux l’intérêt renouvelé pour la figure de l’artiste. Lorsque, durant les années 1960, certains auteurs comme Roland Barthes, Michel Foucault et Susan Sontag, entre autres, ont annoncé « la mort de l’auteur » et la fin d’une pratique d’interprétation cherchant l’origine du sens dans l’intention de l’artiste, l’histoire de l’art s’est vue obligée de renoncer à son statut de science paradigmatique du sujet. Ainsi a-t-on été en mesure de prendre en compte le caractère conditionnel des conceptualisations historiques de l’artiste, sans s’attacher trop naïvement au concept de génie créateur. Auparavant, l’histoire de l’art avait favorisé les concepts qui accentuaient le potentiel créateur d’individus exceptionnels, enracinés dans les paradigmes d’autonomie, d’originalité et d’authenticité. Ceux-ci furent privilégiés, aux dépens d’une idéologie opposée prônant (par exemple) le technicien et l'ingénieur habile sur le modèle idéal de l’Antiquité ou du Moyen-âge, ou encore celle dérivant l’œuvre de forces inconscientes, voire instinctives. Il semble qu’il est temps maintenant de reconstruire, d’une façon plus systématique, l’image de l’artiste dans ses transformations historiques, à l’intérieur de la culture occidentale et postcoloniale, et qu’il est également possible de revoir les théories générales sur le statut de l’auteur pour les arts dans une perspective comparatiste.

Que l’artiste médiéval se soit effacé derrière son œuvre et qu’il ait – artisan modeste – renoncé à toute revendication de gloire n’est qu’un des nombreux clichés provenant de considérations étroites. Des études récentes ont démontré que la multitude d’exergues et d’inscriptions d’artistes conservées, comme les signatures dont ils se servaient pour attester la paternité d’un ouvrage ou d'une œuvre, réfutent singulièrement de tels stéréotypes. Il est aussi inapproprié d’envisager une image d’artiste homogène dans l’Antiquité et le Moyen-âge sans avoir retracé historiquement les conceptions divergentes de paternité artistique au cours des différentes époques, au sein de genres artistiques divers, et à travers des régions multiples.

Certes, il y eut très tôt des témoignages d’artistes révélant leur propre conscience d’être des sujets créateurs, mais ce n’est qu’à la Renaissance que se développe le concept emphatique de l’artiste s’émancipant de plus en plus de la part matérielle de son travail et promouvant la reconnaissance de l’acte artistique comme production idéelle. Le « disegno » et le « concetto » respectivement, et l’ « invenzione » sont désormais les critères de la nouvelle créativité artistique, favorisant par là-même une conception de plus en plus spirituelle de la création. L’artiste s’élève ainsi au niveau du savant, de l’inventeur et du philosophe. A l’« anoblissement » recherché par les artistes eux-mêmes dans leurs œuvres, se joint la création rétrospective de légendes au moyen d’un nouveau genre littéraire : la biographie d’artiste. Celle-ci atteindra un premier sommet avec Vasari au milieu du 16e siècle et servira de modèle pour l’histoire de l’art à ses débuts. Sur le plan socio-historique, ces processus se manifestent dans le fait que les artistes se rapprochent de la vie et la culture courtoises, alors que certains d’entre eux sont authentiquement anoblis.  Simultanément, on observe une exigence croissante concernant la formation des artistes, qui inclue l’érudition philologique et littéraire et les savoirs optique et physique, jusqu’aux connaissances en anatomie. Aussi, la formation artistique s’institutionnalise dans des académies qui éclosent partout en Europe.

La formation joue un rôle primordial dans l’autonomisation grandissante des arts jusqu’à son apogée au cours des 19e et 20e siècles. Ce développement est accompagné de changements quant à la position sociale de l’artiste qui, de plus en plus émancipé de sa liaison ferme à son commanditaire, n’est que difficilement classable en termes sociologiques, se prêtant tantôt au rôle de prince, tantôt à celui de mendiant. De tous nouveaux phénomènes voient le jour : l’ « artiste méconnu », l’autodidacte, l’ « outsider ». A partir du 19e siècle, l’artiste ne se qualifie plus exclusivement par sa formation, mais aussi par son tempérament ou sa capacité particulière à créer une œuvre originale ; en conséquence, la notion même d’artiste s’élargit. Les limites entre l’artiste et le non-artiste se dissolvent également, puisque ceux qui produisent des images sans pour autant avoir l’intention de créer, comme les personnes psychiquement malades, les « primitifs » ou bien les enfants, se voient en effet considérés comme artistes.  

L’École de Printemps vise à examiner l’ampleur et la diversité des conceptions de la figure de l’artiste, et les modèles historiques qui en rendent compte. Les ressorts des études de genre sont explicitement inclus dans ce projet.

1. Mythes de l'artiste
Les conceptions mythiques de l’artiste ont de multiples facettes, allant de l’artiste créateur, saint, sauveur ou messie, à sa désignation comme inventeur ou scientifique, génie originel ou universel, jusqu’à l’obsédé, fou ou chaman. L’artiste peut apparaître comme un personnage tragique, qui dépérit à cause de l’art ou de son environnement, un martyr ou une personne souffrante. Les mythes des Pygmalion, Prométhée, Héphaïstos ou Orphée en font partie comme les anecdotes sur les artistes de l’Antiquité et des temps modernes. Quant à la modernité, elle invente l’image de l’artiste méconnu ; on pourrait même ajouter l’artiste fictif.

2. Concepts de la création artistique
Il existe une concurrence entre diverses conceptions de la création artistique. Soit on considère que le travail de l’art se traduit par la réalisation consciente d’idées qui émanent de l’artiste lui-même ou d’autres individus : le commanditaire ou un intermédiaire délégué par ce dernier. Soit on valorise l’inspiration créatrice, c’est-à-dire une production artistique plus ou moins inconsciente. Le travail de l’art pourrait se décrire comme celui d’un atelier artisanal au Moyen-âge et dans la sphère de l’église orientale. Aussi, la copie fidèle semble plus estimée que la quête d’originalité. Des conceptions opposées de la créativité ont des fondements religieux et culturels variés.  D’une part, la production d’images est décrite comme un acte créateur, par la translation de l’idée de la création divine : l’artiste apparaît comme un être proche de la divinité. D’autre part, dans des sociétés révolutionnaires, l’artiste peut être l’avant-coureur d’un nouveau monde, où tout un chacun est artiste. Ailleurs, la virtuosité devient le point focal du travail de l’art A l’époque du romantisme, émerge même la notion d’‘artiste sans main’.

3. Des topoï du don inné de l'art
En se fondant sur le célèbre ouvrage d’Ernst Kris et d’Otto Kurz : ‘La légende de l’artiste’, il faudrait interroger les topoï développés pour décrire le don inné de l’art. Le talent naturel d’un Giotto, la ligne parfaitement régulière, le cercle parfaitement rond, les raisins de Zeuxis, la servante de Rembrandt… sont des périphrases servant à décrire les facultés artistiques. Comme l’œuvre d’art est, depuis le romantisme, un don inestimable, le génie paraît ‘don-né’, don que reçoit l’artiste dans un acte de grâce inconcevable par une instance élevée. Friedrich Wilhelm Schlegel conçoit l’œuvre comme un témoin ultimement insaisissable d’une eschatologie intérieure. Découverte, vocation, libération de soi et autres tropes servant à décrire l’initiation des artistes seront abordées dans cette section.

4. La voie vers l'artiste, sa formation
La formation joue un rôle essentiel dans la vie d’un artiste. Au cours de l’histoire, on a assisté à plusieurs changements dans sa conception. A l’apprentissage dans l’atelier-chantier fut progressivement substituée la formation dans les académies des beaux-arts. Cette évolution s’est accompagnée d’un changement du canon quant aux facultés et aux domaines de connaissances requises. Un des aspects déterminants de la formation concerne l’acquisition de connaissances extérieures à l’atelier du maître ou aux salles des académies. Une excursion ou un long voyage, particulièrement à Rome, complète souvent la formation et la professionnalisation de l’artiste. En revanche, la période contemporaine voit naître le doute quant au rôle de la formation dans la genèse d’un artiste et le concept d’autodidacte se développe davantage. Cette section cherche à évoquer les questions relatives aux modes de formation artistique et à leurs limites, mais aussi le rôle qui lui est attribué dans l’historiographie biographique des artistes.

5. L'artiste après sa mort
Le récit sur les circonstances de la mort d’un artiste, le culte obituaire fondamentalement différent de la vénération accordée aux défunts non-artistes, ou encore le façonnement particulier de tombeaux d’artistes, suivent des lois qui varient sensiblement selon les modes d’admiration portée aux artistes de leur vivant. Il arrive plutôt fréquemment que l’artiste lui-même porte un grand intérêt à son image post mortem et qu’il tente de l’infléchir. La vie de l'artiste après sa mort inclut par ailleurs l’instrumentalisation de celle-ci : par exemple, la vie d’Albrecht Dürer ou celle de Caspar David Friedrich par les nazis. De même, la réception et l’interprétation des œuvres se manifestent dans la production d’autres artistes, élèves ou successeurs. 

6. L'artiste dans l'œuvre et l'artiste comme œuvre
L’artiste figure fréquemment comme sujet dans les œuvres d’art – de sa propre main ou de celle d'autrui. Pourtant, sa présence dans l’œuvre se révèle aussi par la signature et la mise-en-scène de celle-ci. Des portraits d’artistes anciens ou contemporains ont joui d’une grande popularité ; aux 19e et 20e siècles, ils apparaissent également dans des portraits de groupe. Des tableaux amicaux et honorifiques ont permis d’établir des contacts entre artistes. L’autoportrait est une réflexion sur soi, sur le travail et la position sociale de l’artiste. Le travail de l’art transparaît aussi dans les scènes d’atelier ou les salles d’académie. On perçoit au cours du 20e siècle un estompage des frontières entre l’œuvre et son maître. Orlan, Gilbert et Georges, Eva et Adèle sont des œuvres d’art vivantes, l'auteur étant l'œuvre.

7. Mise en scène et stylisation de soi
Par l’autopromotion, l'artiste s’enracine dans la société, il décrit ses ambitions et tente de diriger le comportement de la société vis-à-vis de lui. L’autopromotion repose sur différentes conceptions de la représentation et de la posture. Les artistes se veulent des princes, des bohémiens, des marginaux, des entrepreneurs, des vedettes etc. ; ils s’adaptent même au rôle de l’anti-artiste. Les écrits comme les autobiographies, les lettres, les journaux, les essais théoriques et les manifestes sont pour l’artiste des moyens de façonner son image, à l’instar des entrevues, des entretiens et des apparitions publiques. 

8. La disparition de l'artiste en tant qu'auteur
La mort de l’auteur, souvent évoquée dans le cadre des études culturelles, a été appréhendée, voire préparée par les artistes. Les commencements du mouvement Fluxus ont été repris par l’art en ligne, où l’auteur n’est plus saisissable ; l'œuvre provenant souvent d’artistes qui refusent de révéler leur identité. D’ailleurs, les artistes de graffitis préfèrent eux-aussi l’anonymat, bien que la reconnaissance de leur signature artistique compte beaucoup à leurs yeux. De même, les œuvres collectives désignent leurs auteurs sans pour autant spécifier l’apport particulier de chacun à l’ouvrage. Tous ces exemples partent du principe de l’acte conscient, d’une stratégie de l’artiste libre, alors que, dans les arts mécaniques et appliqués, aucun artiste n'est généralement associé à l'ouvrage. Pourtant, des artefacts dépourvus d’auteur, comme le voile de Véronique, constituaient des objets très prestigieux, particulièrement au Moyen-âge.

9. L'artiste comme être social
Le rapport de l’artiste à la société qui l’entoure est contradictoire. Sa position légale, mais aussi son statut social, lui sont assignés par la société. Les liens avec le marché de l’art, essentiels pour un artiste, ainsi que le contact avec les clients ou les commanditaires constituent une sorte d’ancrage dans la société. Cependant, dès le début de l’époque moderne, l’artiste se positionne en dehors des circuits de production et d’économie. Il se présente souvent comme un personnage hors norme – ou bien, s’il se situe dans la société, c’est comme révolutionnaire, avant-gardiste, qu’il la fait avancer. La profession de l’artiste change au cours des siècles et varie selon les sociétés.

10. Transmission et médiation d'images d'artiste
Les vies d’artiste constituent la forme la plus ancienne de transmission et de médiation de l’image de l’artiste. L’histoire de l’art poursuit d’ailleurs ce schéma avec la monographie d’artiste, qu’elle privilégie dans le cadre des publications scientifiques. Ce principe est également repris par un type d’exposition devenu très populaire : l’exposition d’art monographique. Les académies de beaux-arts ont été plus qu’accessoirement impliquées dans la médiation d’images d’artiste, bien avant que le musée se soit chargé de cette tâche. Enfin, les médias comme l’art, la littérature, les arts de la scène et le film jouent un rôle non négligeable dans la transmission de la vie d’artiste.


Participants

http://www.proartibus.net/teilnehmer.html


Le Comité Organisateur

Thomas Kirchner (Goethe-Universität Francfort-sur-le-Main)
Gabriele Frickenschmidt (Goethe-Universität Francfort-sur-le-Main)
Ursula Grünenwald (Goethe-Universität Francfort-sur-le-Main)
Iris Wien (Goethe-Universität Francfort-sur-le-Main)


Les Correspondants nationaux

Allemagne:
Thomas Kirchner (Goethe-Universität Francfort-sur-le-Main)
kirchner@kunst.uni-frankfurt.de
Michael Zimmermann (Katholische Universität Eichstaett)
michael.zimmermann@ku-eichstaett.de

Canada:
Todd Porterfield (Université de Montreal)
todd.porterfield@umontreal.ca

États-Unis:
Henri Zerner (Harvard University)
hzerner@fas.harvard.edu

France:
Anne Lafont (INHA)
anne.lafont@inha.fr
Ségolène Le Men (Université Paris Ouest Nanterre La Défense)
segolene.lemen@u-paris10.fr
Béatrice Joyeux-Prunel (Ecole normale supérieure)
beatrice.joyeux-prunel@ens.fr.

Italie:
Marco Collareta (Università di Pisa)
m.collareta@arte.unipi.it
Maria Grazia Messina (Università di Firenze)
mariagrazia.messina@unifi.it

Japon:
Atsushi Miura (Université de Tokyo)
amm579@arion.ocn.ne.jp

Royaume Uni:
Richard Thomson (Edimburgh University)
r.thomson@ed.ac.uk

Suisse:
Jan Blanc (Université de Genève)
jan.blanc@unige.ch

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